Sylvain Lefebvre - Curieux de Nature

Une mare au jardin?

Un petit monde à elle seule...

18 avril 2015. 9h. Après plusieurs jours de préparation, je suis fin prêt pour accueillir une vingtaine de personnes chez nous. Ils arrivent de Bretagne, d'Aquitaine, de région parisienne. Certains viennent seuls, d'autres en famille. Certains sont étudiants, d'autres professeurs. Pour plus de la moitié d'entre eux, je ne les ai jamais vu. Pourtant, aujourd'hui, tous me rendent un service immense et feront une belle action pour l'environnement. Grâce à eux, ce soir, le jardin sera embelli d'une mare.

Remplir un trou d'eau est une chose, mais faire en sorte qu'il donne naissance à une mare riche en biodiversité en est probablement une autre. Je reçois donc à plusieurs reprises Anthony, Benjamin et Yohann, des étudiants en BTS gestion et Protection de la Nature. Ils n'en sont pas à leur première mare et leurs conseils sont précieux : dimensions, matériel nécessaire, budget, logistique, approvisionnement de plantes. Plusieurs pièges sont à éviter. Le premier est de ne pas creuser la mare sous un arbre, au risque de voir de trop grandes quantités de feuilles mortes y tomber. Leur décomposition appauvrirait l'eau en oxygène. Le second est de ne pas lui donner la forme d'une cuve avec des bords abrupts mais de privilégier une pente douce et régulière d'un côté, et des marches de vingt à quarante centimètres de l'autre. Cela évite à la fois que toute la matière organique ne tombe au même point au fond du bassin, mais aussi aux animaux venant boire de ne pas tomber dans un trou sans échappatoire. Ils me recommandent enfin de mettre les plantes aquatiques dans des paniers pour éviter une croissance incontrôlée et une mare qui pourrait alors se combler rapidement.

Ensemble, nous imaginons sa forme : une sorte de cacahuète de quatre mètres de long pour deux mètres de large. Une profondeur maximale de quatre-vingt centimètres est adoptée. Elle est non seulement favorable à la présence d'amphibiens, mais aussi idéale pour éviter un assèchement total l'été et garantir une zone d'eau hors gel l'hiver. Notre terre argileuse étant trop perméable, nous choisissons de tapisser le fond de la mare de deux épaisseurs : une feutrine pour lisser les pointes de cailloux et les racines, puis une bâche noire PVC de deux à cinq millimètres pour imperméabiliser.

Le fait qu'elle soit artificielle ne change pas la définition d'une mare. Il s'agit d'une petite étendue d'eau stagnante alimentée le plus souvent par de l'eau de pluie ou de ruissellement. Ses dimensions modestes la distinguent de l'étang ou du lac et la rendent plus sensibles aux variations du niveau d'eau et de température. Sa faible profondeur permet à la lumière d'atteindre le fond. A l'état naturel, les mares d'eau douce s'observent en forêt, dans des clairières, des prairies, aux abords des champs. Toutefois, nombreuses sont celles qui ont été comblées ces dernières décennies, emportant avec elles toute la faune et la flore qui lui sont intimement liées.

Le jour du chantier, tout est prêt: pelles, brouettes, paniers, bâches et plantes. J’accueille tous les participants autour de viennoiseries et de jus de fruits pour expliquer l'objectif de la journée : creuser une mare « naturelle ». Il n'y aura ni système d'oxygénation, ni pompe, mais surtout pas d'introduction de poissons! Si certains cautionnent leur présence dans des bassins d'ornement, je sais que ces animaux ne laisseront aucune chance à des microorganismes, des larves et des œufs de se développer. Le poisson est un prédateur bien trempé. Je préfère attendre que la faune vienne d'elle-même et je compte bien sur les amphibiens observés l'année passée pour coloniser la mare et aider ce nouvel écosystème à s'équilibrer.

Adultes comme enfants retroussent leurs manches et sortent l'huile de coude pour affronter les premières heures de la journée, qui sont sans pitié. Creuser et creuser ! Il faut ensuite donner la forme générale à la mare, dessiner la pente, sculpter les marches, mettre à niveau les berges. Un long moment est dédié à aplanir et lisser autant que possible le fond. Des racines aux cailloux, la moindre petite irrégularité pourrait, sous le poids de l'eau, percer la bâche. Une fois en place, celle-ci est maintenue sur les bords sous une couche de terre et de plantes, le solin. En milieu d'après-midi, l'heure du remplissage sonne. Eau de pluie récupérée dans une cuve pour commencer, puis eau du robinet pour compléter. Les enfants se régalent.

Des joncs épars, des iris des marais et des massettes à larges feuilles, dont quelques pieds ont été prélevés sur un étang voisin, sont mis dans des paniers lestés de gravier et déposés dans la mare. Ces plantes apportent probablement dans leurs racines les premières traces de vie sous forme de larves, de bactéries. Pourpiers des marais, callitriche et rumex complètent le tableau végétal, et sont installées à différentes profondeurs. Le clap de fin est donné, l'équipe peut se féliciter.

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